• 5- Réponses au questions souvent posées

    La PMEV s'est-elle inspirée de la Pédagogie Freinet ?


    La pédagogie Freinet pèse d'un tel poids en France que répondre par la négative n'aurait aucun sens. Il a cependant été nécessaire de mettre la PF entre parenthèses pour concevoir la PMEV, et même en quelque sorte de "tuer le père" comme on dit parfois, et cela pour deux raisons :
    d'abord pour entrer dans la réflexion sur la Pédagogie de Maîtrise, dont l'éclairage est différent sinon contradictoire avec certaines conceptions de la PF ;
    ensuite pour intégrer la prise en compte de l'apprentissage vicariant, que Freinet n'avait pas évoqué parce qu'il n'en avait sans doute jamais entendu parler, ce qu'il faut peut être .regretter.

    Mais, pour passer ensuite de la réflexion théorique à l'action, la PMEV a cette fois "ressuscité" le père. Elle a repris librement des éléments de la pédagogie Freinet qu'elle a souvent du modifier ou réinterpréter, tant au plan pratique qu'au plan théorique.

    Au plan pratique bien sûr, ce qui est important puisque Freinet lui-même se défendait d'être un "maître à penser" et préférait que l'on parle de "techniques Freinet".

    Au plan "théorique" aussi, car l'une des particularités de la PMEV est qu'elle conduit à relire autrement certains apports de Freinet, tout en considérant avec subtilité qu'il ne s'agit pas là d'une trahison mais. d'une autre manière d'être fidèle.

    La formule peut évidemment prêter à rire ou même faire bondir certains, mais la position ne manque quand même pas d'arguments, qu'il faut évoquer :

    On sait que le poids des mots est important, que les vrais synonymes sont rares, chaque mot étant chargé de nuances qui le rendent difficilement interchangeable. C'est justement le cas ici avec la PMEV, qui a du se libérer du poids des mots et presque lever des tabous. L'apprentissage vicariant a quelque chose à voir avec 

    l'imitation, mais l'apprentissage n'est pas l'imitation. L'apprentissage vicariant fait inévitablement penser au copiage quand on en entend parler pour la première fois, mais l'apprentissage vicariant n'est pas non plus le copiage. L'apprentissage vicariant est donc d'une certaine manière en mauvaise compagnie et ce mauvais voisinage a pesé – et pèse encore - sur la prise en compte du problème. On peut pourtant légitimement se poser des questions, se demander ce qui serait arrivé si….

    Que serait-il advenu de la pédagogie Freinet si celui-ci avait connu ou entendu parler l'apprentissage vicariant ? Aurait-il vu là un nouveau chapitre, LE meilleur peut être, de sa croisade contre la Scholastique ? Aurait-il alors prôné de façon aussi insistante la créativité par le texte libre ou le dessin libre, condamnant ainsi plus ou moins implicitement tout ce qui relève de l'imitation ?

    Nous n'avons pas de réponse à ces questions un peu gratuites, mais nous savons que nombre d'objections adressées à la pédagogie Freinet seraient tombées. Car on aurait mieux interprété la consigne jugée laxiste et si ambiguë de laisser l'enfant libre de choisir son travail, dans laquelle la PMEV voit seulement aujourd'hui la liberté de choisir le moment d'aborder sa tâche, au terme d'un fructueux travail d'analyse dont elle s'attache à créer les conditions pour développer une aptitude fondamentale du métier d'élève. Car on aurait interprété de manière moins exclusive le fructueux concept de "tâtonnement expérimental", dont on peut retrouver la trace et l'efficacité dans l'apprentissage vicariant.



    Qu'est-ce qui différencie la PMEV de la Pédagogie Freinet ?

    La PF n'étant pas quelque chose d'uniforme et de figé, et la PMEV n'étant pas non plus codifiée de manière stricte, la question appelle une réponse prudente.

    Prenons l'exemple délibérément polémique mais commode du "rendement scolaire". Si nous parlons de "rendement" devant certains partisans de Freinet (nous ne disons pas "tous"), nous risquons de nous faire écorcher vif, alors que Freinet avait bien une idée en tête lorsqu'il a emprunté aux américains et adapté les fichiers de Winnetka, ou encore lorsqu'il a choisi le nom de sa "bibliothèque de travail" et le logo du forgeron qui la symbolise si bien. Et que dire de cet invariant où il affirme que l'enfant préfère le travail au jeu….

    Mais ne nous dérobons pas : même s'il vaut mieux parler de particularités que de différences, la PMEV assume les siennes sans provocation.

    Tous au collège et si possible plus loin encore, tel est la consigne aujourd'hui, bien malmenée d'ailleurs, une contrainte que Freinet n'avait pas connue et qu'il faut désormais assumer. Pour l'école élémentaire, il ne s'agit plus tant de préparer les enfants à la vie active qu'aux activités très spécifiques du collégien et futur lycéen, ce qui est une des ambitions de la PMEV

    Mais un problème surgit d'emblée. Si la PF a réussi à l'école élémentaire, pourquoi ne réussirait-elle pas non plus au collège et au-delà, ce dont certains ont déjà fait la démonstration et que d'ailleurs les Instructions Officielles elles même avaient prévu avec les "Classes de Transition"

    Sans exclure l'idée que la PF puisse se révéler utile même au collège, il apparaît nécessaire de ne pas s'enfermer dans cette hypothèse, et de travailler aussi sur une autre hypothèse, celle d'un modèle scolaire plus orienté vers les exigences du collège, en particulier sur les compétences très spécifiques du métier d'élève.

    Le même programme pour tous, est devenu un impératif, ce qui relativise le "plan de travail individuel" négocié avec le maître cher à la PF. Sans vraiment rompre avec Freinet puisque l'apprentissage vicariant est quelque chose de "naturel", la PMEV repense le problème : elle ne nie pas les différences mais elle perçoit un danger à les surestimer ; elle étayera les apprentissages mais uniformisera les contenus, l'étayage permettant de favoriser des progressions individuelles qui sans cela seraient restées moins ambitieuses, et permettant surtout de développer les compétences transversales dont une qui lui semble très importante bien que ne figurant pas clairement dans les compétences officielles énumérées par les Instructions OFFICIELLES : l'aptitude à l'analyse de la tâche, qui est la compétence la plus caractéristique du "bon élève", et donc plus généralement du "métier" d'élève.


    La PMEV peut-elle être appliquée à l'école Maternelle ?

    On pourrait presque dire que l'école maternelle fait depuis longtemps de la PMEV sans le savoir car les processus d'apprentissage vicariant y sont moins arbitrairement bridés qu'ils l'ont été dans le primaire. Mais, la notion de "programme" y étant plus relative, le concept de "pédagogie de maîtrise" ne paraîtrait peut être pas très bien adapté pour parler de l'école maternelle.

    Quoi qu'il en soit, le problème de la PMEV en maternelle ne se posait à l'origine même pas puisque le raisonnement était un peu le suivant : l'école maternelle pouvant être considérée comme l'une des meilleures du monde et donc quasi parfaite, comment pourrait-on en adapter le modèle pour l'école élémentaire sans dénaturer celle-ci, et donc dans le respect des ses programmes propres.

    Mais lorsque les institutrices d'école maternelle ont pu voir ce que l'école primaire avait fait de leur modèle, elles ont bénéficié d'un "feed-back" qui leur a paru potentiellement constructif et partiellement réinvestissable à leur niveau en vue d'une meilleure autonomie de l'enfant comme élève en puissance. On a ainsi pu voir apparaître des plans de travail destinés à apprendre aux enfants à gérer une partie de leur temps, en même temps qu'une ébauche d'étayage destinée à entraîner à l'analyse des tâches et par-là favorables à leur compréhension et à un développement langagier dans un registre un peu inhabituel mais néanmoins précieux.

    La PMEV peut-elle être appliquée dans l'enseignement secondaire ?

    Très certainement et elle l'a d'ailleurs été, dans l'enseignement de l'anglais, sous une forme directement inspirée du "modèle" élémentaire que des professeurs avaient demandé à venir observer, et cela pour faciliter l'apprentissage de l'anglais à des élèves maîtrisant mal le français. D'autres possibilités existent, y compris pour certaines classes de seconde, mais la difficulté, dans l'enseignement secondaire, est de pouvoir résoudre certaines contraintes d'emploi du temps. Actuellement, notre recherche ou nos préoccupations nous portent moins dans cette direction que dans la possibilité d'envoyer au collège des élèves bien préparés à s'y adapter.


    Pourquoi la PMEV n'est-elle pas plus connue ?

    Il est difficile de le savoir mais nous sommes tout aussi étonnés de voir que la PMEV, à l'origine simple application de la politique des cycles, commence à être déjà assez connue. La raison en est qu'elle répond à un besoin, à une demande, qui n'a pas encore été totalement satisfaite, ce qui peut laisser penser que sa progression n'est pas terminée.

    La PMEV s'est diffusée initialement grâce à Internet, et il n'y a là rien d'autre qu'une coïncidence dans le temps. La logique administrative aurait fait pencher pour une information plus classique par les canaux administratifs habituels, d'autant que les Instructions de 89 avaient bien précisé que certaines formules – et la PMEV entrait dans ce cadre - pouvaient faire l'objet d'expérimentations mais devaient alors être évaluées. Or, sur cette option spécifique qui aurait mérité un suivi attentif, ou tout au moins une sorte de "veille technologique", il n'y a pas eu à notre connaissance d'évaluation générale digne de ce nom. Il y eu tout au plus le suivi classique de l'Inspection Générale mais celui-ci, dans le cas de la PMEV, a d'emblée été biaisé, pour des raisons compréhensibles même si elles sont regrettables

    L'expérience de Nouvelle Calédonie n'était pourtant rien d'autre qu'une banale application de la réforme des cycles, centrée sur une option il est vrai un peu particulière mais très officielle. Elle était donc "normale" et n'avait fait l'objet d'aucune promotion particulière, mais elle n'avait cependant pas pu échapper à la "rumeur" : le "bouche à oreille" spontané avait attiré des visiteurs venant d'autres circonscriptions et cela finit par provoquer des réactions de rejet et de suspicion. On parla de "gourou" et le terme fut même repris par un Inspecteur Général lors de sa visite, au moins oralement. L'Inspecteur Général trouva certes l'institutrice de la première classe expérimentale "exceptionnelle", mais il ne posa pas de questions sur la méthode utilisée et conseilla la prudence. Il le fit même par écrit, ce qui était dans la droite ligne de ses attributions et compréhensible dans le contexte effectivement sensible de la Nouvelle Calédonie. Furent alors plus ou moins officiellement censurés des stages programmés sur la gestion de l'hétérogénéité, et même interdit l'accès aux résultats de l'évaluation en sixième. Le contexte sensible de la Nouvelle Calédonie pouvait expliquer bien des choses, mais il aurait pu tout aussi bien justifier une évaluation en bonne et due forme.



    Combien d'enseignants pratiquent-ils la PMEV actuellement ?

    Nous n'en savons rien et n'avons jamais cherché à le savoir. Nous diffusons une information, essayons de répondre à ceux qui posent des questions techniques, sans souci de nous compter.



    Le travail en groupes est-il utilisé en PMEV ?

    Nous préférons dire qu'il est utilisé par des maîtres pratiquant la PMEV. Il pourrait évidemment relever au sens très large d'un éclairage PMEV, puisque le travail en groupes vise lui aussi à améliorer la maîtrise des programmes et qu'il fait implicitement une certaine place à l'apprentissage vicariant. Mais nous préférons limiter la PMEV, telle que nous l'avons définie, à une pratique assez précise qui recherche une mise en œuvre méthodique des possibilités de l'apprentissage vicariant, mais qui est également volontairement limitée dans le temps. Notre ambition n'est pas de tout régenter ou de nous poser en contre-pouvoir : elle est d'aider le maître à reprendre la gestion de sa classe sur de meilleures bases, et à lui permettre par-là la possibilité de donner sa pleine mesure, qu'il ait ou non-recours au travail en groupes.

    Vous parlez " d'ergonomie " et de " rendement " : ne trouvez-vous pas ces termes un peu trop proches du vocabulaire d'entreprise ?


    Nous n'avons dans ce domaine aucune arrière-pensée. Les références au monde de l'entreprise sont évidemment gênantes, mais il ne faut pas non plus entretenir d'ambiguïtés douteuses ou de tabous. Quand nous parlons de "rendement solaire", nous pensons évidemment "rendement humain", nous pensons "efficacité des apprentissages" en sachant que l'échec scolaire n'est quand même pas une situation enviable pour ceux qui en sont victimes.

    Quant à l'ergonomie, c'est un terme un peu technique et donc un peu barbare, qui inclut certes l'idée de rendement, dont nous avons dit ce que nous pensons, mais aussi le souci du confort. Ergonomie du métier d'élève, ergonomie du métier d'enseignant, pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom au lieu de rester dans un flou préjudiciable à l'analyse des difficultés. Ce sont là des choses que certains enseignants peuvent ne pas comprendre spontanément, mais dont ils admettent ensuite qu'elles peuvent tout changer. Quant à l'Administration, que l'on dit peu soucieuse du problème, nul doute qu'elle y viendra aussi et qu'il existe des cas où elle a déjà jalonné le chemin. Nous nous situons dans cette mouvance avec beaucoup de modestie, et nos réussites ont d'abord été mal reçues car mal comprises, mais ce ne sont là que des avatars communs.

    Par Michel Monot, 2005



    BIBLIOGRAPHIE

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